Apprivoiser le Pardon
Lorsqu’on m’a annoncé ce 8 mai 1985 que mes deux enfants et leur père avaient péri dans l’incendie de notre maison, j’étais loin d’imaginer le long parcours initiatique qui m’attendait derrière cette épreuve. Comment survivre au suicide de l’homme que j’avais profondément aimé et qui dans un sursaut de désespoir et de folie avait emmené nos enfants avec lui dans la mort ? Comment pardonner ce geste ? Qui aurait pu prétendre répondre à cette question ? J’étais athée, et je vivais dans un milieu cartésien. Donc aucune religion à laquelle me raccrocher, aucun psy qui entre en empathie avec la violence de ma souffrance : juste la solitude de la douleur, et les défenses intérieures qui s‘écroulent, l’égo désemparé qui se fragmente. Une mort symbolique…
Et c’est justement cette douleur et les pertes de repère ainsi que l’amour inconditionnel que je portais à mes enfants, qui ont été mon salut.
Survivre pour qu’ils ne soient pas morts pour rien ! Profiter du fait que l’égo a baissé les armes pour ouvrir d’ autres portes intérieures. Plonger dans le deuil, pas à pas, sans support médicamenteux qui occulte la conscience.
Accepter les mains qui se tendent et me font découvrir de nouveaux chemins, d’autres façons de penser, de vivre, d’agir.!! Toucher à l’essentiel et plonger dans les infinies ressources du voyage intérieur, parce que pour guérir, il n’y en a pas d’autre ! Soulever les voiles de l‘oubli et du « qui
suis-je ? »
Et puis, sept ans plus tard, cet instant ultime, hors du temps, en Inde, à Bénarès, seule, face aux foyers de crémation qui réveillent cette nuit terrible où les flammes ont dévorées ceux que j’aime. Soudain un voile se déchire, un instant d’éternité.
Les corps que je vois ne sont que des « carcasses » vides de leur essence, de leur âme. En quelques secondes, je comprends tout.
Je suis envahie par une immense gratitude. Mes enfants, leur père ont été les catalyseurs de mon réveil intérieur !
Le miracle de la grâce qui descend dans mon cœur. La foi vivante sans dogme ni appartenance. Un éveil spirituel.
Je suis en train de vivre l’essence même du mot PARDON : Pardonner c’est découvrir le Don qui est caché derrière l’épreuve. C’est reprendre la responsabilité de ce qui nous arrive et ne pas tenter d’accuser qui que ce soit. S’il n’y a plus de coupables, à qui devrions nous pardonner ?
Pardonner c’est se remercier et remercier l’autre. Pardonner c’est sortir de la dualité et découvrir que nous ne sommes qu’un avec nos cocréateurs.
L’ultime Pardon se jouera le 8 mai 2010 : 25 ans plus tard, lors d’un rituel que j’organise en hommage et à la mémoire de mes enfants et de leur père.. Face à leur portrait, je témoigne à chacun de ces êtres aimés, tout l’amour que je ressens pour eux en commençant par mes enfants. Lorsque je me retrouve face au portrait de cet homme avec qui j’ai connu le meilleur comme le pire, je reste silencieuse, comme pétrifiée.
Je me plonge dans son regard et soudain je comprends dans une émotion partagée par l’assemblée, qu’il n’y a ni coupable, ni victime, juste des contrats d’âme que nous avons acceptés. Des tonnes de larmes sortent de mon cœur et se transforment en gratitude. C’est comme si je me souvenais de ce contrat passé.
C’est à ce moment qu’une personne médium dans la salle nous dit « j’ai un message de Robert » il dit « enfin tu as compris ! tu te souviens : MERCI
» alors j’ai cette vision de son visage devenu lumineux et des enfants derrière qui sourient et disent « nous sommes venu pour te faire avancer
sur ton chemin spirituel, comme convenu. »
C’est l’ultime DON. Le véritable PARDON. Qu’ajouter si ce n’est GRATITUDE.
Meena, mars 2015.
Texte écrit par Meena et offert à Pierre Pradervand pour son livre « Se faire le cadeau du Pardon »
Editions Jouvence.
Nouvelle édition du livre de Meena par le courrier du livre
« Apprivoiser le Pardon »
prévue en mars 2016 avec de nouveaux chapitres
Nouvelle préface Véronique Jannot