Danse intérieure du Masculin initiatique et du Féminin sacré
Vous êtes-vous déjà laissés absorber par l’élan de vie qui anime les corps de deux danseurs de tango argentin ? Union d’une technique parfaitement intégrée, et de la fusion des corps enlacés, si proches, si fluides, si présents. C’est une danse troublante, qui demande beaucoup de pratique pour que la technique finisse par être oubliée et soit totalement intégrée. Alors, peut émerger la splendeur de la rencontre du Yin et du Yang qui circule de l’un à l’autre au-delà de la différenciation physique homme et femme. En général, les danseurs expérimentés deviennent vite « accro » à cette danse qui dégage une harmonie de beauté, à la fois vibrante, puissante et sensuelle. Certains n’hésitent pas à parler d’extase.
On retrouve également cette notion d’extase, hors partenaire, cette fois ci, pour les derviches tourneurs qui tournoient sur eux-mêmes pendant des heures et finissent pas se dissoudre dans la danse, pour devenir la danse, pour devenir l’énergie qui met le corps en mouvement. A ce moment, l’union ne se fait plus avec un partenaire mais avec l’univers entier. Le Corps, véhicule Yang, permet aux énergies de se mettre en mouvement à travers lui. Et c’est l’ouverture Yin du danseur qui s’ouvre à l’énergie et se laisse habiter par elle.
Un être équilibré, relié ciel et terre est à la fois Yin et Yang, passant d’une énergie à l’autre, entremêlées et indéfinissables quand elles se fondent l’une dans l’autre.
Dans la transe des danses primitives, la vibration du son des tambours fait résonner les énergies de la terre en nous, et finissent par déconnecter le mental. Il ne reste plus que le mouvement et la fusion avec la vibration. Il ne reste plus que la Présence.
Ce n’est pas un hasard si depuis la nuit des temps l’être humain a recherché à travers le chant et la danse ces vibrations universelles qui le ramènent à son essence première : l’Unicité, la fusion, pour oublier la séparation créée illusoirement par notre incarnation dans un corps, avec ses limites physiques.
Dans tous ces cas, le point commun est la Présence : présence à soi, à l’autre, à la nature, au son, à l’énergie qui nous traverse. La Présence EST, sans limite, sans différenciation.
Mais l’expression de la Présence dans le champ physique se fait par l’équilibre du masculin et du féminin. Que serait la danse sans le corps qui magnifie l’énergie en mouvement. ? Que serait une rose sans la tige qui lui permet de soutenir et offrir la fleur au monde avec sa beauté et son parfum ?
Cependant, des siècles de déséquilibre entre les qualités masculines et féminines ont laissé une blessure profonde dans la psyché humaine. Le masculin a fait son expérience du pouvoir, dévié de l’inspiration créatrice. Au nom des peuples, des religions, d’une pseudo paix etc…, l’homme s’est investi dans des guerres tueuses poussant l’humanité au bord du gouffre planétaire en exploitant le féminin et en asservissant le plus grand symbole du féminin sacré qu’est notre planète nourricière.
Nous vivons cela, intérieurement, comme une scission entre le coeur et l’esprit, les sentiments et la pensée, la faiblesse et la force. Extérieurement, nous projetons cette blessure dans la guerre des sexes, et l’exploitation impitoyable de la terre au péril de toute la planète.
Face au mur de la nécessité, il y a urgence du réveil d’un féminin éclairé, engagé, sacré. Mais ce féminin a besoin d’être soutenu par un Masculin ouvert à la non dualité de l’être.
L’éveil du masculin initiatique est aussi vital que celui du féminin sacré. L’un et l’autre sont les deux faces d’une même pièce. Le masculin initiatique, c’est l’arbre qui se dresse et enfonce ses racines en profondeur pour faire monter la sève jusque dans les branches les plus éloignées et permettre aux feuilles et aux fruits de se déverser sur la terre.
Dans la médecine chinoise, l’homme et la femme sont les produits de deux éléments primaires, de sorte que les qualités des deux sont contenues dans chaque sexe.
Grâce à son chemin d’éveil qu’elle traverse depuis des années, la femme sacrée et inspiratrice, est conviée maintenant à éveiller le sacré du masculin qui l’habite. Elle ne peut pas attendre que l’homme dans sa manifestation physique extérieure fasse ce chemin vers elle. Le masculin initiatique s’éveille dans la femme puissante et aimante qui n’accable pas et cesse de juger l’homme extérieur.
Lorsque la femme développe son Yang, elle accède à une puissance féminine plus profonde. Si elle se coupe de la force masculine en elle, la femme devient dépendante passive ou agressive, et va chercher désespérément à l’extérieur l’image de ce masculin intérieur qu’elle ne contacte pas en elle.
On considère généralement que le Yang est le socle des hommes et le Yin celui des femmes. Le Yin vise à l’union et le Yang à la séparation. Ce sont les principes de base régissant toutes les interactions dans l’univers.
Schématiquement le Yin est la force centripète, tournée vers l’intérieur : elle correspond à l’union, la cohésion, le lien et surtout la terre et l’eau. En tant que mère nourricière, l’énergie Yin, aide l’humain à mûrir. C’est la sagesse de la terre.
Quand au Yang, c’est le principe de la force centrifuge, de la séparation, de l’individuation. Le Yang est la force qui nous pousse à nous développer en tant qu’individus. Il est associé aux éléments expansifs, l’air et le feu. Le Yang est l’énergie qui set à féconder, initier et exécuter. Il est perçant, pénétrant et stimulant comme le tonnerre et l’éclair. Son expression parvenue à maturité est la sagesse du ciel.
Mais on ne peut associer strictement le Yin et la terre aux femmes et le Yang et le ciel aux hommes. Dans le domaine de l’expression émotionnelle par exemple, les femmes sont plus Yang que les hommes et les hommes plus passifs quant à leurs sentiments.
Le Yang n’appartient pas exclusivement à l’homme et réciproquement. De même pour le Yin.
Tant que la conscience humaine n’aura pas transformé l’antagonisme masculin/féminin, en alliance créatrice, nous resterons fragmentés, en guerre avec nous-mêmes, aussi bien au niveau de l’individu, du couple, de la société, que de l’espèce.
Néanmoins, les sociétés actuelles sont construites sur cette notion de séparation Yin et Yang.
La transformation de ces mécanismes demande du courage. Le mot courage venant du mot « coeur ». L’essence du courage c’est accepter de ressentir son coeur, y compris dans les situations difficiles ou douloureuses. Ressentir nécessite une certaine intimité avec soi même et avec l’autre. Ressentir, c’est cesser de penser et vivre l’expérience des sensations du moment présent. En fait, être courageux est l’opposé de ne pas avoir peur. Etre courageux c’est être conscient de sa peur et être ouvert à notre fragilité.
Commencer une relation amoureuse demande du courage car c’est entrer dans une danse incessante des polarités entrecoupées de besoin de fusion et de besoin d’indépendance, de besoin de reliance et de besoin de séparation.
Apprendre à aimer, c’est aussi et surtout reconnaitre sa propre vulnérabilité contenue dans la position de l’homme debout sur la terre, la tête levée au ciel et le coeur exposé. Les autres peuvent nous pénétrer, nous émouvoir, nous blesser.
Mais c’est dans cette vulnérabilité authentique que la puissance s’enracine. C’est à cet endroit précis que peut émerger le OUI ou le NON. Le Oui symbole du féminin, le Non symbole du masculin sont nécessaires l’un à l’autre. Car si nous ne pouvons pas dire Oui de tout notre coeur, nous ne sommes pas capables de dire NON. Et si nous ne sommes pas capables de dire NON, nous ne pourrons pas dire OUI en ouvrant notre coeur. Le Non nous permet d’exprimer nos limites .Si nous savons que nous sommes en mesure de dire Non, nous n’avons plus peur de plonger dans la passion de la relation. Et il n’y a pas de réelle puissance sans ouverture du coeur
La passion est une intense présence d’énergie qui nous met en contact avec l’abondance et la richesse de la vie.
Si nous avons peur d’être consumé par la passion, c’est parce que nous craignons de nous dissoudre et de perdre le contrôle de la relation.
Mais la passion peut être vécue en pleine conscience. L’intensité nous révèle la puissance de notre énergie, et la relation d’amour est un des plus beaux ferments de cette éclosion de l’énergie qui nous rend vivants et présents.
Quand l’amour est nourri de respect et de gratitude, lorsque le couple est prêt à laisser mourir les schémas institués par la relation, et qu’il protège un espace de communication consciente il peut continuer de renaitre encore et encore.
Le chaos relationnel peut devenir gérable à partir du moment où les deux amoureux créent un espace sacré, en fixant des frontières et en se mettant d’accord sur un principe central qui guidera leur vie, notamment ouvrir leur coeur et s’éveiller à leur potentiel profond.
Le mariage devient ainsi le chemin de la méditation à deux.
L’homme et la femme qui ne respectent pas la sagesse et la force innée de l’autre, cassent la hiérarchie naturelle de leur relation. Si l’homme n’exprime pas son appréciation des qualités féminines de sa femme, il méprise ce en quoi elle n’est pas un homme. Il se sert de sa puissance Yang pour la dominer ou la critiquer détruisant ainsi toute possibilité d’alliance créatrice entre eux et de complicité joyeuse.
De même la femme qui rabaisse la puissance du masculin de son mari mine son Yang et casse son énergie.
Il est inspirant de voir un homme et une femme danser avec les énergies contenues dans le chaos et s’aider mutuellement à s’ouvrir davantage à la vie.
Le caractère sacré du couple est le dévouement passionné de deux êtres voulant donner forme à leur amour .Et également lui donner du sens et une universalité, une si grande force que cet amour peut déborder sur les autres et sur la planète.
La nature, dans sa grande intelligence, nous offre à travers le système hormonal et reproducteur, ce fameux désir sexuel qui induit nécessairement le rapprochement des êtres. C’est ce désir qui pousse un être humain vers un autre être humain malgré la peur du rejet, de se tromper, la timidité etc… C’est ce désir qui, dans l’accomplissement de ce qui au départ est une pulsion, une attraction énergétique, peut ouvrir les portes d’autres possibles et relier le profane et le sacré, le sexe et le
coeur, le sexe et la conscience divine. C’est la rencontre mystique du masculin initiatique et du féminin sacré dans la danse de l’amour de Shiva et Shakti. Quand Shiva et Shakti se rencontrent, ils s’inclinent devant l’autre en reconnaissant dans un Namasté (mains jointes) « le divin qui est en moi , reconnait et salue le divin qui est en toi ».
Ce processus de mettre du respect et de la présence dans la relation d’amour passe par la pratique de la Pleine Conscience. Vivre en Pleine Conscience c’est vivre la vie au lieu de la rêver (ou la cauchemarder !). C’est cesser de projeter son imaginaire et ses attentes sur l’autre. C’est devenir responsable et créateur de son vécu dans la relation.
« La Pleine Conscience, c’est la pratique qui consiste à ramener le corps et l’esprit vers le moment présent, et chaque fois que l’on pratique cela, on redevient vivant » (Thich Nhat Han)
Quand nous invitons l’amour à nous éveiller aux forces plus profondes de la vie, ces défis deviennent partie intégrante de l’aventure. L’intimité devient une voie, un processus de découverte et de révélation. Pour la première fois la relation devient consciente.
Au-delà de l’espoir et du devoir, sur quel autre terrain peut-on nourrir et entretenir un amour plus profond et plus satisfaisant entre les hommes et les femmes ?
Le couple est une voie idéale pour réconcilier féminin sacré et masculin initiatique. Il nous pousse à ouvrir notre coeur en réactivant à notre insu la souffrance qui provient de nos mémoires cellulaires, permettant ainsi de la rendre consciente et de la transformer.
La crise actuelle entre les hommes et les femmes nous offre une nouvelle occasion de découvrir une Masculinité et une Féminité plus essentielles.
La relation d’un homme avec une femme est semblable à deux rivières coulant côte à côte. Elles se confondent parfois avant de se séparer à nouveau et de reprendre leur cours. La relation, quand elle est consciente peut nous relier à des vibrations plus vastes : le corps devient alors un vaisseau sacré relié aux énergies cosmiques.
L’Union, lorsqu’elle est formalisée par le Mariage ouvre un espace de transformation intérieure à condition que l’engagement soit relié à la notion de conscience et que chacun accepte d’observer avec lucidité ce qui se joue en soi ,même si ce n’est pas toujours confortable.
« Rarement, sinon jamais, voit-on un mariage forger facilement des liens entre les époux, sans période de crise. La Conscience ne nait pas sans douleur »(CG Jung)
De la même façon qu’il a été dit que Science sans conscience n’est que ruine de l’âme, on peut parodier Rabelais en affirmant que Mariage sans conscience n’est que ruine de l’amour.
Il est vrai que de tout temps, le mariage a d’abord été une institution visant à assurer la cohésion familiale et la stabilité sociale.
Mais le mariage n’est pas seulement un arrangement pragmatique et utilitaire. De nos jours, il reflète un impératif plus vaste de la vie humaine, celui de réunir tout le potentiel de l’amour en lui donnant une forme terrestre. La forme nous fournit un véhicule, un contenant. Le mariage vécu comme un chemin nous offre quantité d’occasions d’unir l’aspect conscience et matière dans une union féconde.
Lorsqu’un homme et une femme associent l’inspiration féminine de l’amour et l’effort masculin pour mettre cette inspiration en pratique, leur mariage devient une alchimie sacrée réunissant le ciel et la terre.
Il devient alors un vaisseau d’énergies qui circulent et s’affinent dans la canalisation de la flûte intérieure. La voie tantrique du mariage alchimique amène les partenaires à activer leurs centres énergétiques, leurs chakras. La relation sexuelle devient alors le vecteur de la montée de l’énergie à travers les 7 chakras pour aller, pour les plus chanceux, à l’orgasme cosmique.
Le scientifique japonais Hiroshi Motoyama , professeur spirituel ,écrit que « quand les chakras sont activés et éveillés, la personne devient non seulement plus consciente et capable de pénétrer des domaines élevés de l’existence ,mais aussi de donner vie aux dimensions inférieures. »
Une relation est un produit vivant et donc jamais fini. Quelle tristesse de voir ces couples qui n’ont plus rien à se dire, qui ne se regarde plus tant ils sont habitués l’un à l’autre. Ils sont ensemble mais ne se découvrent plus. Ils vivent avec l’idée figée qu’ils ont de l’autre, sans même s’apercevoir qu’au cours des années, l’autre a changé, évolué, mûri.
Certains avaient rêvé leur amour et,à force de chercher le rêve, ils ont perdu de vue le chemin de l’amour vrai.
Chaque homme, chaque femme devrait garder l’esprit du débutant en développant un regard neuf qui ouvre sur tous les possibles. Se laisser émerveiller par l’autre, le découvrir à nouveau à chaque instant, en dissolvant les opinions, les croyances, les préjugés qui sont inscrit en nous à notre insu.
Lâchons les réponses et posons les questions. « Quoi de plus merveilleux peut illuminer et faire grandir mon couple » ? Et laissons nous surprendre par la réponse.
Le mariage peut devenir un exemple de transformation où le couple peut créer un nouveau type d’alliance créative en 9 étapes :
- Créer un espace de sacralisation et de respect de la relation
- Intensifier l’écoute profonde et la pleine conscience
- S’aider mutuellement à desceller les racines des conflits
- Laisser émerger les ombres mises en lumière par le partenaire et permettre leur transformation en abandonnant les projections qui sapent la relation.
- Reconnaitre des stéréotypes sexuels conditionnés par la société et les dissoudre.
- Reconnaitre que les deux sexes ont accès aux énergies masculines et féminines, puis oeuvrer pour équilibrer ces énergies en nous
- Pour l’homme, célébrer la puissance et l’authenticité masculine en lui, pour la femme célébrer sa puissance et son authenticité féminine
- Cultiver l’humour et la joie
- Exprimer la bienveillance et l’alimenter par la Gratitude.
Nourrir ce chemin consiste à renouveler sans cesse cet engagement d’ETRE ensemble et pas seulement de RESTER ensemble.
Ainsi la relation à deux se renouvellera chaque jour, permettant d’actualiser sans cesse l’alliance du féminin sacré et du masculin initiatique.
Le couple, à travers l’engagement et le rituel du mariage crée un microcosme pouvant inclure les différentes parties de soi-même, personnelles et transpersonnelles. Nos sociétés occidentales sous-estiment la puissance du rituel.
La célébration du mariage, si elle revêt un aspect sacré, est l’opportunité de contacter la force vibratoire du rituel en inscrivant en nous, la trace de l’engagement conscient de grandir ensemble en amour. Etre engagé peut éviter la fuite, face au premier incident qui nous contrarie. Le rappel de
l’engagement et de l’émotion associée, aide à prendre le temps de traverser les remous de la confrontation et d’y trouver de nouvelles ressources qui nous feront grandir en conscience et en humanité.
Et si un, deux, plusieurs couples guérissent la blessure initiatique féminin-masculin, ils offriront au monde non seulement le rayonnement de leur amour, mais également la vibration d’une transformation qui ,comme une Source, rejoindra les 15 % requis d’autres sources pour permettre à l’Humanité d’effectuer le saut quantique nécessaire à la transformation de ce monde.
Sortir de la dualité pour plonger dans l’Unité et s’ouvrir à la Joie d’une expansion céleste, est le chemin royal du Mariage féminin-sacré masculin initiatique.
« Celui qui, par quelque alchimie sait extraire de son coeur, pour les refondre ensemble, compassion, respect, besoin, patience, regret, surprise et pardon crée cet atome qu’on appelle l’amour ». Khalil Gibran
Meena COMPAGNON est impliquée dans le chemin du couple conscient depuis plus de 20 ans tant au niveau personnel que dans sa retransmission en tant que thérapeute en transpersonnel et formatrice en créativité consciente. Diplômée en Gestalt et analyse Jungienne (Savoir Psy), elle oeuvre pour la paix et la libération de la Joie et anime des conférences, des séminaires et des groupes continus d’évolution intérieure. Elle a créé le mouvement FEES DU MONDE qui signifie Féminin Eclairé Engagé Sacré Dédié à l’Union avec le Masculin Orienté vers la Non Dualité de l’Etre : https://www.meena-compagnon.com/Emergence-du-feminin
Elle est l’auteure du livre « Apprivoiser le pardon » : Meena Deva GOLL Ed. Amrita
Article paru dans le magazine Synodies n° 13